Gérer la mort et être médecin: Expériences des médecins avec les patients en fin de leur vie en Turquie


Cevizci M., User I., Demir F., Işıl Ülman F. Y.

8eme Congrès de l'Association française de Sociologie, Aix-En-Provence, Fransa, 27 - 30 Ağustos 2019

  • Yayın Türü: Bildiri / Yayınlanmadı
  • Basıldığı Şehir: Aix-En-Provence
  • Basıldığı Ülke: Fransa
  • Acıbadem Mehmet Ali Aydınlar Üniversitesi Adresli: Evet

Özet

Gérer la mort et être médecin : Expériences des médecins avec les patients en fin de leur vie en Turquie

La technologie transforme également l’univers des maladies. Aujourd’hui les morts sont majoritairement dues aux maladies chroniques qui s’étalent sur un long processus. La technologie prolongeant la vie le fait aussi pour la fin de vie et ce processus est vécu d’une manière artificielle et tumultueuse (Broom, 2016). En Turquie, faute de l’existence des centres de soins palliatifs, les personnes en fin de vie passent souvent leurs derniers jours dans les unités de soins intensifs. Or loin d’être soignées, ces personnes subissent des traitements futiles qui prolongent indûment leur vie.

En se situant en dehors de la problématique de la médicalisation de la mort par une médecine considérée tout puissante, cette recherche s’intéresse aux expériences des médecins s’occupant de ces patients. En s’inspirant de la démarche clinique, cette recherche se base sur le vécu des médecins lors de la fin de vie. L’hypothèse générale est que la gestion de ce processus étant habituellement considérée comme la responsabilité unique des médecins met ces derniers dans des injonctions paradoxales difficiles à gérer.

L’expérience avec les patients en phase terminale coince les médecins dans un paradoxe entre soigner et assister. La pratique médicale, ainsi que le rôle du médecin idéal, encouragent les médecins à se centrer sur le traitement qu’ils consacrent à leurs patients. La mort s’avère ainsi comme un phénomène biologique à éviter à tout prix dans l’univers médical. Mais la réalité pratique avec les patients en fin de vie force les médecins de sortir de cette logique et se faire une identité plus sociale et relationnelle tournée vers l’univers socio-symbolique de la mort, qui est aussi un besoin (Billé, 2016).

L’enjeu consiste de ce fait en des variations entre ces deux différentes logiques d’action ; soigner ou assister ? Que ce soit de l’aspect institutionnel, juridique ou social, les médecins se voient obligés de continuer à procurer un traitement curatif aux patients dont le traitement est impossible. Cependant dans leur vécu, ils sont sans cesse confrontés aux moments où ils ressentent le besoin de se défaire de ce rôle techniciste pour assister le patient et ses proches lors de la fin de vie. Ce changement de rôle nécessite forcément certaines habilités sociales que les médecins n’acquièrent pas systématiquement dans leur formation.

Cette contradiction sociale est aussi vécue par les médecins, que nous croyons de prime abord comme les gagnants de la médicalisation de la mort, comme un conflit psychique intérieur entre deux identités souvent inconciliables. Lorsqu’ils aspirent à respecter la mort de leur patient, ils rencontrent certains obstacles institutionnels et juridiques mais lorsqu’ils essaient de se centrer uniquement sur le processus biologique de la mort en continuant à appliquer un traitement actif, ils se sentent inconfortables de se trouver dans une situation où ils cachent nolens volens la réalité de la mort.

 

Bibliographie

Billé, M. (2016). Mourir : un droit et un besoin ?. Dans : Élisabeth Zucman éd., Prendre soin de ceux qui ne guériront pas: La médecine questionnée par l'incurabilité et la fin de vie (pp. 25-42). Toulouse, ERES.

Broom, A. (2016). Dying: A social perspective on the end of life. Routledge.