8eme Congrès de l'Association française de Sociologie, Aix-En-Provence, France, 27 - 30 August 2019
Mauvais
élève ou enfant troublé ? Traitement médico-psychologique des difficultés
scolaires en Turquie
L’enfant
qui témoigne des difficultés scolaires fait l’objet d’un long processus de
prise en charge assumé par les institutions médico-sociales (Morel, 2012). Or cette
prise en charge se fait autour de certains troubles reconnus à l’école comme
des handicaps (Garcia, 2013). Nous nous intéressons particulièrement à deux
d’entre eux dans le contexte turc : les troubles spécifiques des
apprentissages et le trouble du déficit de l’attention avec ou sans
hyperactivité.
À travers
une enquête ethnographique au sein des écoles primaires des quartiers socioculturellement
différents, cette recherche essaie de saisir la formulation et le traitement de
ces difficultés en croisant les expériences des consultants en psychologie, des
parents d’élèves et des instituteurs.
Plutôt
qu’une hypothèse de l’intrusion du monde médical dans les questions scolaires à
travers une approche institutionnelle, nous nous appuyons sur une hypothèse
interactionnelle pour comprendre en quoi la prise en charge des difficultés à
travers des catégories médicales sont favorisée par les acteurs scolaires et en
quoi celle-ci fait sens pour eux.
Pour les
familles, la prise en charge des difficultés de leurs enfants dans un cadre
médical représente une expérience contradictoire. D’un côté celle-ci inquiète
du fait d’une possible stigmatisation des difficultés, de l’autre côté,
l’explication médicale, souvent neurologique, des difficultés apporte, après
une longue période de questionnement, une définition nette et moralement neutre
de la situation.
Pour les
instituteurs, le positionnement vis-à-vis des catégories médicales s’avère
ambivalent. D’une part ils leur reconnaissent une efficacité, d’autre part ils
n’y donnent pas de crédit dans leur pratique médicale. La compréhension de leur
logique d’action nous montre que dans un paradoxe où ils sont poussés vers une
évaluation qualitative de leurs élèves mais sont concurrencés par un monde
médicopsychologique se basant sur une évaluation quantitative, ils se trouvent
désarmés et choisissent de rester à l’écart des difficultés.
Quant aux
consultants en psychologie des écoles, loin d’avoir un effet démédicalisant par
la prise en charge des difficultés à l’intérieur de l’école, ils ne disposent
pas d’autre possibilité que d’orienter l’élève au centre d’orientation et de
recherche pour un possible diagnostic.
La
médicalisation des difficultés scolaires apparait ainsi comme le résultat d’un
réseau complexe de relations construits par différents acteurs sociaux.
Bibliographie
Garcia, S.
(2013). À l'école des dyslexiques : naturaliser ou combattre l'échec scolaire
? La Découverte.
Morel, S.
(2014). La médicalisation de l'échec scolaire. Paris : La Dispute.